Le déploiement risqué des soldats sud-africains en RDC : une armée sous-équipée face à un ennemi aguerri
4 minutesCritiques contre le déploiement de soldats sud-africains en RDC
Le déploiement de soldats sud-africains dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) suscite de vives critiques. Le contingent sud-africain, qui fait partie de la nouvelle force d’Afrique australe chargée d’aider la RDC à combattre le M23, est déjà considéré par de nombreux observateurs comme étant voué à l’échec.
Une mission risquée pour une armée sous-équipée
Deux jours seulement après l’annonce officielle du déploiement de 2 900 soldats sud-africains en RDC, l’armée a déjà subi des pertes avec la mort de deux soldats dans une attaque au mortier contre l’une de ses bases. L’opposition souligne que ces pertes étaient attendues et dénonce le déploiement d’une armée jugée sous-équipée dans une zone complexe où d’autres forces sont déjà échouées par le passé.
Des missions multiples et un financement insuffisant
L’armée sud-africaine est confrontée à de nombreuses missions en plus du déploiement en RDC. Elle est également présente en RDC au sein de la force de maintien de la paix des Nations unies (Monusco) ainsi qu’auprès de l’armée mozambicaine pour lutter contre les violences djihadistes. En interne, elle est sollicitée pour diverses tâches telles que le contrôle des frontières, la protection des infrastructures contre le sabotage et la lutte contre l’exploitation illégale des mines. Cependant, le financement de l’armée sud-africaine est réduit et en constante diminution, ce qui pose des difficultés pour mener à bien ses missions. Selon les experts, le budget des forces de défense sud-africaines représente moins de 1 % du PIB, ce qui est considéré comme largement insuffisant comparé aux standards internationaux.
L’armée sud-africaine en déclin : une conséquence inquiétante
L’armée sud-africaine, autrefois considérée comme l’une des plus puissantes d’Afrique, est aujourd’hui loin de ses heures de gloire. En mai 2023, la ministre de la Défense, Thandi Modise, a dû admettre devant le Parlement la nécessité de “sauver les forces de défense sud-africaines”. Bien que l’armée dispose encore d’un équipement respectable sur le papier, la réalité est toute autre. Theo Neethling explique : “beaucoup d’appareils ne sont pas utilisables pour une raison ou une autre”.
Une flotte aérienne défaillante : un point inquiétant
Parmi les lacunes de l’armée sud-africaine, la plus préoccupante est la flotte aérienne. Sur les 39 hélicoptères de transport Oryx dont dispose l’Afrique du Sud, seuls cinq étaient en état de fonctionnement en octobre dernier. “Soyons honnêtes, c’est choquant. Et bien sûr, il n’y a pas d’argent pour maintenir les Rooivalks en état, donc nous n’avons pas d’hélicoptères d’attaque. On ne peut pas mener une contre-insurrection sans moyens aériens appropriés”, explique Piers Pigou, responsable du programme Afrique australe à l’Institut d’Études de Sécurité (ISS).
L’attaque de la base sud-africaine en République démocratique du Congo (RDC) témoigne, selon Piers Pigou, de la vulnérabilité des troupes face à une rébellion mieux préparée que celle des djihadistes au Mozambique, que l’armée sud-africaine a déjà du mal à contenir. “Les rebelles mozambicains sont une troupe faite de bric et de broc, ils ont peut-être récupéré des mortiers et d’autres armes, mais ils ne savent pas s’en servir. Le M23, c’est une autre histoire. Il a un arsenal plutôt sophistiqué et il est bien entraîné”.
Un investissement indispensable pour l’avenir de l’armée
Dans un document confidentiel dévoilé par l’AFP, l’ONU fait état de l’attaque d’un de ses drones d’observation par un missile sol-air “présumé appartenir aux forces de défense rwandaises”, tiré depuis une zone contrôlée par le M23. Piers Pigou tire la sonnette d’alarme en déclarant : “Si le M23 décide de lancer une attaque sérieuse sur nos bases, il pourrait y avoir de lourdes pertes”. Il déplore également le déploiement d’une “contre-insurrection au rabais”.
Depuis la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud s’est engagée à participer aux missions de maintien de la paix sur le continent. Cependant, après trente ans de sous-investissement chronique, se demande-t-on si elle en a réellement les moyens ? “On parle encore comme si nous avions le double de la capacité que nous avons en réalité. Soit on reconfigure les déploiements à l’étranger en reconsidérant ce qu’on peut effectivement y apporter, soit on investit significativement dans les services de sécurité”, résume le responsable de l’Institut d’Études de Sécurité.