Le Sénégal face à une crise de sécurité croissante : manifestations meurtrières et incertitude politique
4 minutesLe Sénégal confronté à des menaces de sécurité
Alors que les manifestations antigouvernementales se multiplient au Sénégal, le pays est confronté à des problèmes de sécurité grandissants. Depuis vendredi 9 février, trois jeunes manifestants ont perdu la vie lors de ces protestations. Ces décès s’ajoutent à ceux des victimes des troubles politiques réprimés violemment depuis mars 2021. En l’espace de trois ans, une soixantaine de personnes ont été tuées lors d’affrontements avec les forces de sécurité, dont une dizaine par balles.
Une nouvelle manifestation prévue malgré les risques
Malgré ce climat tendu, l’opposition et la société civile appellent à une nouvelle manifestation le mardi 13 février. Cette manifestation a pour objectif de demander le rétablissement du calendrier électoral, qui a été brutalement interrompu par le président à trois semaines du scrutin et entériné par une loi votée au forceps. Dans les prochains jours, le Conseil constitutionnel, saisi par plusieurs candidats, devra statuer sur la légalité de ce report. Dans l’attente de cette décision, le pays est plongé dans une incertitude totale.
La mise en garde du pouvoir contre des « forces organisées »
Le pouvoir sénégalais, contesté à l’intérieur et critiqué à l’extérieur, cherche à se positionner en pacificateur dans cette crise. Dans une récente interview accordée à l’agence de presse américaine AP, le président Macky Sall a exhorté ses opposants à accepter le dialogue national sous peine de déstabiliser le pays. Il met en garde contre des « forces organisées » qui pourraient menacer la stabilité du pays si les acteurs politiques ne parviennent pas à s’entendre. Toutefois, certains opposants y voient un « chantage au coup d’État » de la part du pouvoir pour contraindre ses rivaux à accepter un dialogue national qu’ils jugent insincère. Dans cette atmosphère explosive, des médiateurs de la société civile travaillent en coulisses pour éviter l’embrasement et négocier des garanties auprès du pouvoir afin d’encourager les opposants à accepter le dialogue. La libération de certaines figures politiques incarcérées, comme Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, pourrait être mise sur la table des négociations pour apaiser les tensions.
Bassirou Diomaye Faye, une posture politique contestée
Selon les sondages, Bassirou Diomaye Faye jouit d’une bonne position politique. Cependant, il n’a pas encore été jugé. Certains estiment qu’un accord très large entre la coalition au pouvoir et l’ex-Pastef pourrait conduire à leur libération dans quelques mois, permettant ainsi à Ousmane Sonko de se présenter à la présidentielle. Un observateur étranger partage cette analyse.
Un dialogue inclusif sous conditions
Certaines voix s’élèvent pour demander au président Sall d’inclure ses principaux opposants, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, dans un dialogue inclusif afin de prouver sa volonté de réconcilier les Sénégalais. Elles exigent également la libération des militants emprisonnés, soulignant qu’il s’agit d’une question de confiance, en raison de l’échec du précédent dialogue. Le médiateur Alioune Tine, à la tête d’Afrikajom Center, met en garde contre le risque de confrontation si le président maintient cette porte fermée.
Les enjeux de la crise politique actuelle
L’ancien parti dissous ne voit pas d’un bon oeil la proposition de libération d’Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye comme condition préalable au dialogue. Selon eux, cela permettrait à Macky Sall de valider son chantage politique. Pour les religieux, qui ont une influence significative sur les hommes politiques, il est urgent de rétablir le calendrier électoral. Certains leaders religieux appellent à la reprise des discussions dans l’urgence pour éviter que les positions deviennent irréconciliables. La plate-forme de la société civile, Aar Sunu Election, reçoit également le soutien de certains imams, qui appellent leurs fidèles à la mobilisation.
Le camp présidentiel, lui, insiste sur la nécessité d’un dialogue inclusif pour défendre le report des élections. Ils estiment que le président Sall souhaite réellement partir, et que la date de départ, fixée au 2 avril, peut être discutée. Un consensus sur la durée effective de la transition et sur l’autorité politique qui la présidera est nécessaire. Certains proposent que le président de l’Assemblée nationale assure l’intérim.
La contestation prend également de l’ampleur dans la diaspora, avec des manifestations, notamment à Paris. La situation semble échapper au contrôle de Macky Sall, qui dispose d’une petite fenêtre pour se retirer de manière honorable. Il doit rapidement donner des signes de décrispation pour rétablir la confiance. La restitution de la licence du groupe de presse Walfadjiri, retirée il y a quelques jours, est considérée comme un premier signe d’apaisement. D’autres gestes, comme l’autorisation de rassemblement pourraient suivre afin de faire retomber la pression dans cette semaine décisive.