La Cour suprême japonaise déclare inconstitutionnelle l'obligation de stérilisation pour les personnes transgenres : une victoire historique pour les droits humains.
4 minutesLa Cour suprême japonaise juge « inconstitutionnelle » l’obligation de stérilisation pour les personnes transgenres demandant un changement d’état civil
La Cour suprême japonaise a rendu un arrêt très attendu, déclarant l’obligation légale de stérilisation imposée aux personnes transgenres pour changer de sexe dans les registres d’état civil comme « inconstitutionnelle ». Selon la cour, cette obligation restreint gravement la vie d’une personne et limite son droit fondamental de ne pas subir une atteinte à son corps contre sa volonté.
Le parcours complexe des personnes transgenres au Japon
Au Japon, pour qu’une personne transgenre puisse voir sa transition de genre reflétée dans les registres d’état civil, elle doit passer par un tribunal spécialisé après avoir subi une chirurgie d’affirmation de genre conformément à une loi adoptée en 2003. De plus, elle doit apporter la preuve de son incapacité reproductive, ce qui nécessite généralement une stérilisation, et ses organes génitaux doivent correspondre à ceux du sexe auquel elle s’identifie.
En outre, toute personne souhaitant effectuer ce changement d’état civil doit être célibataire, sans enfants mineurs, et officiellement diagnostiquée avec une dysphorie de genre, une détresse causée par l’inadéquation entre le sexe assigné à la naissance et le genre auquel elle s’identifie.
Une longue bataille juridique
L’affaire soumise à la Cour suprême japonaise a été initiée par une femme transgenre qui demandait à être légalement reconnue comme femme sans avoir à subir une opération chirurgicale. Elle soutenait que l’obligation de stérilisation constituait une violation des droits de l’homme et était inconstitutionnelle. Sa demande avait été rejetée par un tribunal spécialisé, ainsi que par une juridiction supérieure.
Il s’agit de la deuxième fois que la plus haute cour du pays se prononce sur cette question. En 2019, elle avait confirmé la validité de la loi, estimant qu’elle visait à prévenir des “problèmes” dans les relations parents-enfants, susceptibles de causer de la “confusion” et des “changements brusques” dans la société. Cependant, la Cour suprême avait admis le caractère intrusif de cette loi et suggéré une révision régulière en fonction de l’évolution des valeurs sociales et familiales.
Malgré ces décisions, les militants LGBT+ critiquent les longues procédures médicales, invasives et potentiellement dangereuses auxquelles sont soumises les personnes transgenres au Japon, qui est par ailleurs le seul pays du G7 à ne pas reconnaître le mariage entre personnes de même sexe ni les unions civiles au niveau national. Dans un rapport publié en 2019, l’ONG Human Rights Watch a qualifié cette obligation de fondée sur une notion “péjorative” selon laquelle la transidentité est considérée comme une “maladie mentale”. HRW a condamné la procédure de changement de genre, affirmant qu’elle était archaïque, préjudiciable et discriminatoire.
Le tribunal japonais invalide une loi discriminatoire envers les personnes transgenres
Un tribunal local pour les affaires familiales de l’Archipel a rendu une décision historique en jugeant inconstitutionnelle et invalide la loi japonaise de 2003 qui impose une chirurgie comme condition pour changer légalement de genre.
Des avancées timides vers l’acceptation de la diversité au Japon
Ces dernières années, le Japon, traditionnellement conservateur, a fait quelques avancées vers l’acceptation de la diversité. En début d’année, le pays a adopté sa première loi visant à protéger la communauté LGBT+ des discriminations. Cependant, les militants ont critiqué la formulation édulcorée de cette loi qui ne s’oppose qu’aux “discriminations injustes”.
La désinformation et les difficultés vécues par les personnes transgenres
Une organisation japonaise pro-LGBT+ a alerté sur la désinformation répandue largement au Japon, notamment en associant à tort les femmes transgenres à des violences sexuelles dans les lieux publics. Cette situation rend encore plus cruciale la décision rendue par le tribunal cette semaine.
La décision du tribunal était très attendue par la communauté transgenre de l’Archipel. Elle représente un espoir pour les personnes transgenres comme Tomoya Asanuma, un homme de 34 ans qui a dû subir une ablation de l’utérus et des ovaires pour pouvoir changer sa mention de genre à l’état civil et se marier avec sa fiancée. M. Asanuma déclare que cette condition chirurgicale est trop risquée physiquement, émotionnellement et financièrement pour les personnes transgenres. Il exprime sa frustration quant au fait qu’il aurait moins souffert s’il avait été autorisé à changer légalement de genre sans avoir à passer par une opération.