Un soutien sans faille à la Palestine : La Tunisie unie dans la manifestation historique
5 minutesEn Tunisie, un soutien unanime aux Palestiniens
Plusieurs milliers de personnes ont manifesté, jeudi 12 octobre, en solidarité avec le peuple palestinien. Du président Kaïs Saïed à la puissante centrale syndicale UGTT ou aux associations féministes, le pays est unanime.
Une manifestation historique pour soutenir la Palestine
« Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu une manifestation aussi grande », s’exclame Riadh, la quarantaine, un drapeau palestinien dans une main et un keffieh sur les épaules. Il répète les slogans lancés de part et d’autre : « résistance, résistance, ni réconciliation ni compromis », « le peuple veut la criminalisation de la normalisation [avec Israël] ». Sous un soleil d’octobre encore brûlant, plus de 3 000 personnes ont défilé à Tunis jeudi 12 octobre en soutien aux Palestiniens, à l’appel de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la puissante centrale syndicale. Dès l’attaque du Hamas samedi et le début de la riposte d’Israël, des militants se sont mobilisés pour marquer leur solidarité avec Gaza, mais cette manifestation reste la plus importante. Et elle fut un succès : depuis des années, aucune n’avait rassemblé autant de monde.
Un soutien transversal et engagé
Sur les pancartes, les inscriptions traditionnelles appelant à la « libération de la Palestine » ou à mettre « fin à la colonisation », côtoient celles, plus spécifiques, de militants pour les droits homosexuels ou féministes : « les queers avec la Palestine ». Dans son appel à participer à la marche, l’association Mawjoudin, qui défend les droits des personnes LGBTQI+ en Tunisie le clamait : « La Palestine nous unit ». Du président Kaïs Saïed, qui a appelé lundi à « soutenir nos frères dans cette étape (…) de la libération palestinienne » et souhaite « criminaliser » un éventuel processus de normalisation avec Israël – une commission doit examiner un projet de loi dans ce sens – à des figures de l’opposition, des syndicalistes aguerris, et un large spectre d’organisations de la société civile, défenseurs des droits humains, féministes ou membres d’organisations LGBT, il y a consensus sur le soutien aux Palestiniens en Tunisie. Pour marquer cette union, jeudi, la consigne était claire : ni logo de partis dans la manifestation, ni drapeaux autres que ceux de la Palestine et de la Tunisie. Une consigne respectée par une grande majorité des participants, à l’exception de l’UGTT.
Pour Lina Elleuch, militante féministe queer et membre de l’association Mawjoudin, le soutien inconditionnel aux Palestiniens est une évidence. « J’ai été éduquée avec l’idée que cette cause a la même importance que les causes tunisiennes », assure-t-elle, en se remémorant ses souvenirs d’enfance de la seconde Intifada au début des années 2000. Au sein de son association également, la question est tranchée. « Mawjoudin soutient toutes les méthodes de résistance que les Palestiniens auront choisies. On croit en la libération d’un peuple et de sa terre », assure-t-elle.
La Tunisie entretient depuis longtemps un lien étroit avec la Palestine.
Les manifestations propalestiniennes en Tunisie à l’époque de Bourguiba et Ben Ali
Sous Habib Bourguiba et Zine El-Abidine Ben Ali, les manifestations propalestiniennes étaient rares, mais symbolisaient des moments de liberté d’expression. En 1982, suite au massacre de Palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila au Liban, des femmes en tenue noire ont manifesté à Tunis en solidarité avec les Palestiniennes. Cette manifestation a marqué la première apparition publique des « femmes démocrates », plusieurs années avant la création officielle de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). La même année, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et son leader Yasser Arafat ont fui le Liban pour s’installer en Tunisie, où ils ont établi leur siège jusqu’en 1994.
L’attaque du siège de l’OLP à Tunis et la réaction tunisienne
Le 1er octobre 1985 est resté gravé dans les mémoires tunisiennes lorsque l’armée israélienne a bombardé le siège de l’OLP à Tunis, causant officiellement la mort de 50 Palestiniens et 18 Tunisiens, et provoquant une crise diplomatique. Le président Habib Bourguiba a réussi à obtenir des Américains qu’ils ne mettent pas leur veto à une résolution des Nations unies condamnant cette agression israélienne. À l’époque, les militantes féministes tunisiennes accueillaient en Tunisie leurs consœurs palestiniennes et libanaises, qu’elles soient réfugiées ou en visite. Certaines de ces militantes faisaient même partie du Front populaire de libération de la Palestine, une organisation marxiste-léniniste palestinienne considérée comme terroriste par plusieurs pays occidentaux, selon Asma Fatma Moatemri, militante féministe et membre de l’ATFD.
Les revendications des manifestants tunisiens propalestiniens
Tout en étant opposées au Hamas en tant que projet politique et sociétal, les militantes féministes tunisiennes ne s’opposent jamais au principe d’autodétermination des peuples, y compris par la résistance armée, affirme Asma Fatma Moatemri. Elle condamne les actes de barbarie commis des deux côtés du conflit, mais considère que le gouvernement israélien d’extrême droite est le principal responsable. Elle souligne qu’il est inacceptable d’agir en toute impunité, de profiter de l’ineffectivité du droit international et de s’étonner face aux escalades. Elle fait référence, entre autres, au blocus imposé à Gaza depuis 2006 et à l’implantation de nouvelles colonies israéliennes. De son côté, Saif Ayadi, militant queer au sein de l’association Damj, va plus loin en appelant à la restitution totale des terres palestiniennes et à la création d’un seul État, la Palestine. Il rappelle que les peuples choisissent leurs moyens de résistance contre l’occupant et en assument la responsabilité, soulignant que les sionistes sont des colons ayant choisi de s’approprier une terre qu’ils ont colonisée. Lors de la manifestation devant l’ambassade de France sur l’avenue Habib Bourguiba, la foule change de slogan pour dénoncer la complicité de la France et des États-Unis avec les agresseurs, en levant la main en signe de victoire et de combat.