Glyphosate : l'Union européenne divisée sur la prolongation de l'autorisation de l'herbicide controversé
4 minutesGlyphosate : un vote crucial des Etats de l’Union européenne attendu sur la prolongation de l’herbicide
Vendredi 13 octobre, les Vingt-Sept se prononceront sur la proposition de la Commission européenne concernant la prolongation de l’autorisation du glyphosate dans l’Union Européenne. Cette proposition, qui vise à prolonger l’autorisation de l’herbicide controversé pour une période de dix ans, suscite des divergences entre les États membres.
Une proposition débattue depuis jeudi
Depuis jeudi, la proposition de la Commission européenne est examinée dans le cadre d’un comité technique réunissant des représentants des États membres. Ils voteront vendredi pour approuver ou non cette proposition. Bien que de nombreux États membres aient salué cette proposition, certaines divergences subsistent concernant d’éventuelles restrictions supplémentaires.
Des divergences qui compliquent l’obtention de la majorité qualifiée requise
Les divergences au sein de l’Union européenne pourraient rendre difficile l’obtention de la majorité qualifiée nécessaire pour l’approbation de la proposition. En effet, pour que la proposition soit acceptée, il faut l’approbation d’au moins 15 États membres représentant au moins 65 % de la population européenne. L’Autriche s’est déjà déclarée opposée à la reconduction de l’autorisation et le Luxembourg a signalé son intention de voter contre, après avoir interdit temporairement la commercialisation du glyphosate sur son territoire. La Belgique et les Pays-Bas s’abstiendront également. Quant à l’Allemagne, en raison des divisions de la coalition au pouvoir, elle ne soutiendra pas une prolongation de l’autorisation. L’attitude de la France, première puissance agricole de l’UE, reste incertaine, mais Paris a déjà fait part de son insatisfaction quant à la proposition de Bruxelles et souhaite la modifier.
La France prône une approche nuancée sur l’interdiction du glyphosate
La France s’oppose à « toute interdiction sans solution » pour les agriculteurs, mais prône une approche selon laquelle le glyphosate est restreint aux seuls usages pour lesquels il n’existe aucune option alternative viable, démarche qu’il entend « harmoniser au niveau européen », selon le ministère de l’agriculture.
Des positions divergentes sur la classification du glyphosate
Le glyphosate, substance active de plusieurs herbicides – dont le Roundup de Monsanto, très largement utilisé dans le monde – avait été classé en 2015 comme « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des conclusions confirmées en 2021 en France par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
A l’inverse, en juillet, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a assuré ne pas avoir identifié de « domaine de préoccupation critique » chez les humains, les animaux et l’environnement susceptible d’empêcher l’autorisation de l’herbicide. Elle a seulement relevé « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés et reconnu qu’un manque de données empêchait toute analyse définitive.
Les mesures proposées par Bruxelles et l’avenir de l’autorisation du glyphosate
Pour en tenir compte, Bruxelles propose quelques garde-fous, notamment avec l’établissement « par défaut » de « bandes tampons » de cinq à dix mètres et des équipements réduisant drastiquement les « dérives de pulvérisation », tandis que l’usage pour la dessiccation (épandage pour sécher une culture avant récolte) serait interdit.
Si la substance active est approuvée au niveau de l’UE, chaque Etat reste chargé d’autoriser les produits contenant du glyphosate, en fixant les règles d’utilisation selon les cultures, conditions climatiques et spécificités géographiques. Bruxelles leur demande d’évaluer les effets potentiels sur l’environnement et la biodiversité, les « co-formulants » (composants des herbicides) et l’exposition des consommateurs aux « résidus », tout en veillant à la protection des eaux souterraines ou de surface : les Etats pourraient ainsi restreindre l’usage du glyphosate, mais seulement dans le cadre des critères fixés par l’UE.
L’autorisation actuelle du glyphosate dans l’UE, renouvelée en 2017 pour cinq ans puis étendue d’une année supplémentaire, expire le 15 décembre. Si aucune majorité qualifiée en faveur du texte se dégage vendredi, un autre vote interviendra courant novembre. S’il n’y a toujours pas de majorité suffisante pour soutenir la proposition, la Commission pourra alors décider seule de prolonger l’autorisation – seule une majorité qualifiée d’Etats opposés au texte pouvant permettre de le bloquer.