Predator: le logiciel espion au cœur du scandale de vente à Madagascar et dans d'autres pays autoritaires
4 minutesPredator: le scandale de vente du logiciel espion à Madagascar
L’entreprise française Nexa, anciennement connue sous le nom Amesys, a été au cœur d’une affaire de vente illégale du logiciel espion Predator au gouvernement malgache. Une enquête menée par Mediapart et le consortium European Investigative Collaborations (EIC) a mis en lumière ces nouvelles révélations.
Des ventes hors de tout cadre légal
Le logiciel espion Predator, développé par Cytrox et distribué par l’alliance Intellexa, est officiellement destiné à être utilisé exclusivement par les forces de l’ordre et les services de renseignement dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Cependant, il a été détourné par certains clients, à l’instar de son concurrent Pegasus, pour surveiller des opposants politiques et des journalistes. La Grèce est actuellement au cœur d’un scandale politique impliquant l’utilisation du logiciel Predator.
L’EIC a révélé qu’en novembre 2020, une équipe de Nexa s’était rendue à Madagascar pour effectuer une démonstration des capacités de surveillance du logiciel. Cette visite soulève des interrogations, car les gendarmes français ont découvert dans le téléphone d’un cadre de Nexa un rapport de surveillance confidentiel sur un journaliste malgache critique envers le pouvoir. Cela suggère que la démonstration de Nexa avait pour objectif de montrer son utilisation politique.
Des livraisons controversées
Par ailleurs, Nexa est accusée d’avoir fourni du matériel d’interception et de surveillance à Madagascar en mai 2021, avant même que des contrats ou des licences d’exportation ne soient finalisés. Cette livraison aurait été effectuée à la demande pressante de la présidence malgache, qui craignait un coup d’État à l’époque. Selon les informations obtenues par l’EIC, le matériel a été transporté dans des valises diplomatiques depuis l’ambassade malgache à Paris jusqu’à Antananarivo, afin d’éviter tout contrôle.
Au cours de l’été 2021, les autorités malgaches ont arrêté une vingtaine de personnes, dont au moins deux ressortissants français, et affirmé avoir déjoué une tentative d’assassinat visant le président Rajoelina. Il semble que l’utilisation du logiciel Predator ait joué un rôle dans cette affaire.
Le scandale de la vente du logiciel espion Predator à Madagascar soulève de graves questions quant à l’éthique des entreprises de surveillance et à l’utilisation abusive de leurs outils. Cette affaire révèle également les lacunes du système de contrôle des exportations et souligne la nécessité de renforcer les réglementations pour empêcher les ventes illégales de matériel de surveillance.
Un intermédiaire français dans la vente de technologies de surveillance à des pays autoritaires
Les récentes révélations des « Predator Files » par Mediapart ont mis en lumière le rôle de la société française Nexa en tant qu’intermédiaire dans la vente de technologies de surveillance à des pays autoritaires. Ces technologies incluent notamment le logiciel espion Predator, développé par la société hongro-macédonienne Cytrox (rachetée par le consortium Intellexa), ainsi que d’autres systèmes de surveillance.
Des clients controversés et des méthodes douteuses
Les pays ayant fait l’acquisition du Predator comprennent la Libye, l’Egypte et le Vietnam, qui a fait un usage intensif de ce logiciel. Le Vietnam est d’ailleurs accusé d’avoir tenté d’espionner l’ambassadrice allemande aux Etats-Unis ainsi que la présidente du Parlement européen. Ces révélations soulèvent de sérieuses questions concernant les atteintes à la vie privée et les violations des droits de l’homme.
De plus, l’enquête a mis en lumière les méthodes employées par Nexa pour contourner les contrôles à l’exportation. La société a fait appel à sa composante Advanced Middle East Systems, basée aux Emirats Arabes Unis, afin de faciliter la vente de ces technologies sensibles à des régimes autoritaires.
Les enquêtes en cours en France
En France, des enquêtes sont actuellement en cours sur Nexa et sa forme précédente, Amesys, concernant des livraisons antérieures de matériel de surveillance à l’Egypte d’Abdel Fattah Al-Sissi et à la Libye de Mouammar Kadhafi. Dans le cadre de ces enquêtes, des dirigeants et anciens dirigeants ont été mis en examen pour complicité d’actes de torture en juin 2021. Cependant, certaines de ces mises en examen ont été annulées par la cour d’appel de Paris en 2022, ce qui soulève des interrogations quant à la véritable responsabilité de ces individus dans ces affaires sensibles.