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Le Parlement adopte définitivement le projet de loi de programmation de la justice : Vers une justice renforcée et des libertés menacées ?

Le Parlement adopte définitivement le projet de loi de programmation de la justice : Vers une justice renforcée et des libertés menacées ?

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Le Parlement adopte définitivement le projet de loi de programmation de la justice

Mercredi 11 octobre, le Parlement a définitivement adopté le projet de loi de programmation de la justice, porté par le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti. Après avoir été adopté par les députés la veille, le texte a reçu le soutien des sénateurs avec 233 voix contre 18. Ce projet de loi prévoit une hausse conséquente des moyens alloués à la justice, avec un budget qui atteindra près de 11 milliards d’euros en 2027, contre 9,6 milliards en 2023. De plus, 10 000 embauches seront réalisées dans les cinq prochaines années, dont 1 500 magistrats et 1 800 greffiers, dans le but de réduire les délais judiciaires. L’objectif est également de créer 15 000 nouvelles places de prison d’ici la fin du quinquennat.

Une victoire pour le ministre de la justice

Eric Dupond-Moretti s’est félicité de l’adoption de ce projet de loi, qualifiant ce vote de “décisif pour l’avenir de la justice”. Il voit en cela un “message de reconnaissance et d’espérance” adressé au corps judiciaire. Cette adoption survient alors que le ministre se prépare à faire face à un autre défi : son procès devant la Cour de justice de la République pour des soupçons de prise illégale d’intérêt, qu’il conteste. Par ailleurs, les négociations se poursuivent avec les greffiers, mobilisés pour une revalorisation de leur statut. Le ministre se montre optimiste quant à ces discussions, affirmant que la création de greffiers de catégorie A ainsi qu’une revalorisation salariale pour les greffiers de catégorie B devraient bientôt voir le jour.

Un soutien transpartisan

Dans les deux chambres, le projet de loi a bénéficié du soutien des Républicains (LR) et du Rassemblement national (RN), tandis que les socialistes se sont abstenus. Ce projet de loi, plutôt consensuel, a toutefois suscité des polémiques lors de son examen en première lecture à l’Assemblée nationale en juillet. En effet, ces débats ont eu lieu dans un contexte marqué par les émeutes suite à la mort du jeune Nahel, tué par un tir de policier à Nanterre. Les négociations avec LR ont abouti à la promesse de créer 3 000 places de prison supplémentaires, en plus des 15 000 prévues par le gouvernement d’ici la fin du quinquennat. Cependant, la réalisation de cet objectif, soit un total de 78 000 places en 2027, semble ambitieuse compte tenu des difficultés rencontrées pour construire de nouveaux établissements pénitentiaires. Selon le ministère de la justice, 4 300 nouvelles places seront opérationnelles d’ici la fin de l’année 2023. La gauche dénonce quant à elle “une obsession du tout-carcéral”, tandis que le député écologiste Jérémie Iordanoff critique les négociations entre les macronistes et “la droite réactionnaire”.

Le projet de loi critiqué par une collègue sénatrice socialiste

Marie-Pierre de La Gontrie, sénatrice socialiste, s’est exprimée sur le projet de loi en dénonçant les manques qu’il comporte, en particulier en ce qui concerne la régulation carcérale. Cette critique intervient alors que les émeutes ont relégué ce sujet sensible au second plan.

Les téléphones “mouchards” au cœur du projet de loi

Un point important du projet de loi concerne la possibilité d’activer à distance des téléphones portables “mouchards” dans le cadre de certaines enquêtes. Le texte permettrait ainsi de filmer ou d’enregistrer à l’insu des personnes ciblées par des enquêtes pour terrorisme, grande délinquance ou criminalité organisée. Cette pratique concerne chaque année plusieurs dizaines d’affaires. Le Garde des Sceaux, qui est également ancien avocat pénaliste, assure qu’il ne s’agit en aucun cas d’un totalitarisme à la George Orwell, en ajoutant que cette technique est déjà utilisée par les services de renseignement, mais nécessitera désormais l’approbation préalable d’un juge. De plus, elle sera interdite pour certaines professions telles que les magistrats, avocats, parlementaires, journalistes et médecins.

Les inquiétudes de la gauche et des défenseurs des libertés publiques

La gauche politique et des défenseurs des libertés publiques voient dans cette disposition de loi une pente très dangereuse, une intrusion dans la vie privée et une forme de surveillance généralisée. Andrée Taurinya, députée Insoumise, a exprimé son alarme face à cette mesure. La question de la vie privée et des libertés individuelles reste donc au cœur du débat entourant ce projet de loi.

Réintroduction d’une mesure contestée à l’Assemblée nationale

Lors d’une réunion de la commission mixte paritaire le 5 octobre, il a été décidé de réintroduire une mesure dans la loi qui avait été initialement rejetée par l’Assemblée nationale. Cette mesure concerne la réforme de la procédure de saisie sur rémunérations en supprimant l’autorisation préalable du juge de l’exécution et en confiant la saisie aux commissaires de justice, plutôt qu’au greffe du tribunal judiciaire. À l’Assemblée nationale, la gauche politique et le Rassemblement national avaient protesté contre cette déjudiciarisation, arguant que cela pénaliserait les plus vulnérables face à leurs créanciers. Cependant, le député Jean Terlier (Renaissance), rapporteur du texte, souligne que le juge intervient en cas de contestation de la part du débiteur.