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La dissolution d'associations sous la présidence d'Emmanuel Macron : les motifs, les controverses et les contestations devant la justice

La dissolution d'associations sous la présidence d'Emmanuel Macron : les motifs, les controverses et les contestations devant la justice

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Trente-quatre associations visées par une dissolution sous la présidence d’Emmanuel Macron

Le gouvernement français a récemment annoncé la dissolution de l’association Civitas, une organisation catholique intégriste. Cette décision a été prise après des propos antisémites tenus par un conférencier de l’association pendant l’été. Civitas devient ainsi la trente-quatrième association à être dissoute sous la présidence d’Emmanuel Macron.

Dissolutions médiatisées et controverse

Parmi les dissolutions récentes qui ont fait les gros titres, on retrouve la suspension de l’organisation environnementale Soulèvements de la Terre (LST). Cette décision a été prise par le gouvernement en juin, mais a été suspendue par le Conseil d’État en août, en attente d’une décision sur le fond. Les juges ont estimé que le gouvernement n’avait pas apporté la preuve que LST était impliqué dans des actes violents envers des individus.

Une arme administrative encadrée

La dissolution d’une association par l’autorité administrative est une procédure strictement encadrée et ne peut être prise que par décret en conseil des ministres. Les motifs justifiant une telle décision sont détaillés dans l’article L212-1 du code de la sécurité intérieure. Ils vont de la provocation à la haine aux actes de terrorisme, en passant par les menaces à la “forme républicaine du gouvernement”.

Cette pratique de dissolution d’associations a été utilisée de manière importante par Charles de Gaulle en juin 1968, lorsque plusieurs groupes communistes ont été dissous pour avoir incité à la violence lors des manifestations de la jeunesse. Cependant, cette loi a été rarement utilisée depuis, jusqu’à ce que François Hollande la remette au goût du jour il y a une dizaine d’années.

Sous le mandat de Manuel Valls, cinq groupes d’ultradroite ont été dissous en juillet 2013 après la mort de Clément Méric, militant antifasciste, tué par un militant néonazi.

La dissolution d’associations a également été utilisée comme un outil récurrent dans la lutte contre le terrorisme djihadiste, suite à la multiplication des attentats et des états d’urgence à partir de 2015. Par exemple, deux mois après les attentats du 13-Novembre, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a demandé la dissolution de trois groupes cultuels liés à la mosquée de Lagny-sur-Marne, accusés de prosélytisme et de recrutement djihadiste.

La dissolution des groupuscules néonazis et l’élargissement des motifs de dissolution

En avril 2019, plusieurs groupuscules néonazis, dont Bastion social, ont été dissous par la loi suite à la profanation d’un cimetière juif. Cependant, c’est en août 2021 que la loi « confortant le respect des principes de la République », connue sous le nom de « loi contre le séparatisme », vient élargir les motifs de dissolution.

Dissolution de groupes antifascistes et écologistes

Ainsi, le gouvernement français a fait usage de ces nouveaux motifs en 2022 pour dissoudre deux groupes antifascistes, Le Bloc lorrain et le Groupe antifasciste Lyon et environs (GALE), en raison de leur diffusion d’appels à manifester qui ont conduit à des affrontements avec la police. De plus, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un mouvement écologiste, les Soulèvements de la Terre, a été dissous en juin 2023 pour avoir incité à des sabotages et des dégradations matérielles sous prétexte de défendre l’environnement. Cette décision a cependant été suspendue par le Conseil d’Etat en référé le 11 août.

Contestations devant la justice et décisions du Conseil d’Etat

Chaque association ou groupement dissous peut contester cette décision devant le Conseil d’Etat, qui a le pouvoir de suspendre provisoirement puis éventuellement d’annuler définitivement la dissolution. Au cours de l’année 2022, plusieurs dissolutions ont été suspendues par le Conseil d’Etat, notamment celles du Comité action Palestine, du Collectif Palestine vaincra et du GALE, dont les juges estiment que leurs prises de position radicales ne peuvent être considérées comme des incitations à la discrimination, à la haine et à la violence. Cependant, au cours des dernières années, le Conseil d’Etat a également confirmé d’autres dissolutions contestées devant la justice administrative, notamment celles de l’association d’extrême droite Génération identitaire, du CCIF et de BarakaCity accusés de propagande islamiste, ainsi que celle de l’association libertaire Le Bloc lorrain. En dernier recours, un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme reste possible après la décision du Conseil d’Etat.