Les droits de l'homme confrontent le réchauffement climatique : Six jeunes Portugais portent plainte contre trente-deux Etats devant la Cour européenne des droits de l'homme
4 minutesSix jeunes Portugais portent plainte contre trente-deux Etats devant la Cour européenne des droits de l’homme
Mercredi 27 septembre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) examine une affaire sans précédent mettant en avant l’« inaction climatique », qui aurait des conséquences sur la vie des plaignants. Ces six jeunes Portugais, âgés entre 11 et 24 ans, soutiennent que cette inaction constitue une violation des droits fondamentaux tels que le « droit à la vie » et le « droit au respect de la vie privée », énoncés dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Des accusations portées contre trente-deux Etats pour non-respect des engagements climatiques
Les jeunes plaignants accusent les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne, ainsi que la Russie, la Turquie, la Suisse, la Norvège et le Royaume-Uni, de ne pas être à la hauteur de leurs engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. Cet accord historique de 2015 visait à limiter l’augmentation des températures à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Selon eux, cette « inaction climatique » a des répercussions directes sur leur vie quotidienne.
Une avancée importante dans les litiges climatiques
Cette affaire est considérée comme une avancée significative dans les affaires de litiges climatiques. Si les jeunes plaignants obtiennent gain de cause, cela pourrait amener les gouvernements à réviser leurs politiques et à réduire plus rapidement leurs émissions de gaz à effet de serre pour se conformer à la décision de la Cour. Catherine Higham, chercheuse en sciences politiques à la London School of Economics, affirme que cette affaire pourrait représenter un tournant majeur dans la lutte contre le changement climatique.
Au siège de la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg, plusieurs dizaines d’avocats et de juristes sont attendus pour défendre les intérêts des Etats. De leur côté, les six jeunes plaignants ont sollicité le soutien d’ONG et de militants écologistes à travers toute l’Europe. Cette affaire met en lumière l’importance croissante des litiges climatiques et la volonté des jeunes générations de faire valoir leurs droits face à l’inaction des États en matière de climat.
Une affaire à la David contre Goliath
L’ONG britannique Global Legal Action Network (Glan) accompagne et défend six plaignants dans une affaire qui pourrait être qualifiée de “David contre Goliath”. Selon Gearoid O Cuinn, directeur de Glan, il s’agit d’une affaire sans précédent par son ampleur et par ses conséquences.
La cour examine la recevabilité de la requête
Avant de se prononcer sur le fond, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) examinera en premier lieu la recevabilité de la requête. Les critères pour déterminer la recevabilité sont stricts et de nombreux dossiers sont rejetés chaque année. Dans cette affaire inédite, notamment en raison du nombre d’Etats concernés, la question de la recevabilité devrait être vivement débattue.
La CEDH demande habituellement aux requérants d’épuiser les voies de recours devant les tribunaux nationaux avant de se tourner vers elle. Cependant, dans ce cas précis, les six plaignants ont directement saisi l’institution, arguant qu’engager des procédures distinctes dans chacun des trente-deux pays concernés serait une charge excessive et disproportionnée.
Une décision qui sera scrutée
Si le dossier est jugé recevable, la décision de la CEDH, attendue au mieux en 2024, sera scrutée de près. La jurisprudence de la cour en matière de réchauffement climatique est encore vierge. Les plaignants ont également attiré l’attention de la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, qui a adressé des observations à la cour. Elle estime que les juges doivent apporter une protection concrète aux personnes qui subissent les conséquences du changement climatique.
En mars, la CEDH a examiné deux premiers dossiers climatiques visant la Suisse et la France, mais n’a pas encore rendu de décision. Aux Etats-Unis, cet été, de jeunes Américains originaires de l’Etat du Montana ont remporté une victoire historique en matière d’“inaction climatique”. Une juge a déclaré inconstitutionnelle une loi interdisant à l’administration locale de prendre en compte les conséquences des émissions de gaz à effet de serre sur le climat lorsqu’elle doit accorder ou refuser des permis à des entreprises d’énergies fossiles.