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La Cour suprême du Brésil ouvre la voie à la préservation des terres indigènes
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La Cour suprême du Brésil ouvre la voie à la préservation des terres indigènes

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La Cour suprême du Brésil valide le droit des indigènes sur leurs terres

La décision de la Cour suprême du Brésil, rendue jeudi, représente un tournant majeur dans les débats sur les droits des peuples autochtones à la terre dans le pays. Elle a également des conséquences importantes pour la préservation de l’environnement.

La fin de la thèse du “cadre temporel” en faveur des peuples autochtones

Connu sous le nom de “procès du siècle” par les défenseurs des peuples autochtones, ce procès a tourné en leur faveur. La Cour suprême du Brésil a déclaré inconstitutionnelle la thèse du “cadre temporel”, défendue par le lobby de l’agro-négoce, qui ne reconnaît comme terres appartenant légitimement aux autochtones que celles qu’ils occupaient ou revendiquaient officiellement avant 1988, date de la promulgation de la Constitution. Cette décision est d’autant plus cruciale que les réserves attribuées aux autochtones sont considérées comme des remparts contre la déforestation et jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Une réponse aux menaces et un appel au gouvernement

Ce jugement de la Cour suprême, qui fera jurisprudence, concerne spécifiquement le territoire Ibirama-Laklano, dans l’Etat de Santa Catarina. Cette réserve indigène du peuple Xokleng avait perdu son statut en 2009, après une décision d’une instance inférieure invoquant l’absence d’occupation par les autochtones en 1988. Pour les associations indigènes, cette décision représente une “réponse très importante” aux menaces et à la criminalisation qu’ils ont subies ces dernières années, notamment sous le mandat de l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro. Cependant, c’est aussi un appel lancé au président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, actuellement au pouvoir, pour qu’il avance dans la démarcation des terres indigènes. À ce jour, près d’un tiers des plus de 700 réserves indigènes déjà délimitées au Brésil, principalement en Amazonie, auraient pu être affectées par la thèse du “cadre temporel”, selon l’ONG Institut socio-environnemental (ISA).

Deux magistrats favorables à l’agro-négoce nommés par Jair Bolsonaro

Dans un contexte marqué par une flambée de la déforestation, Jair Bolsonaro a nommé les deux seuls magistrats favorables à la thèse défendue par l’agro-négoce au Brésil. Le président avait précédemment promis de ne pas céder davantage de terres aux peuples autochtones.

Homologation de réserves en suspens et mobilisation des Autochtones

Pendant plus de cinq ans, les homologations de nouvelles réserves au Brésil sont restées à l’arrêt. Cependant, le retour au pouvoir de Lula a permis de légaliser six nouvelles réserves en avril, suivies de deux autres en septembre. La démarcation de ces réserves est essentielle pour garantir le droit des Autochtones à occuper leurs terres ancestrales et à préserver leur mode de vie traditionnel. Cependant, sur les plus de 700 réserves déjà délimitées, près d’un tiers n’ont pas encore été officiellement homologuées.

Face à cette situation, des centaines de manifestants indigènes se sont rassemblés devant la Cour suprême pour suivre les débats sur un écran géant. Lorsque la majorité s’est prononcée en faveur des Autochtones, des cris de joie et des pas de danse ont retenti tandis que d’autres se serraient dans les bras.

Un espoir pour la protection des terres et des droits autochtones

La juge Carmen Lucia a souligné l’importance de la dette de la société brésilienne envers les peuples autochtones. De son côté, Joenia Wapichana, présidente de l’organisme public de protection des Autochtones, la Funai, s’est félicitée du soutien de la justice envers les peuples indigènes. Elle a exprimé sa confiance quant à la future protection des terres et des droits autochtones.

Néanmoins, les magistrats de la Cour suprême doivent encore débattre de questions importantes, notamment celles concernant les indemnisations éventuelles par l’État des propriétaires terriens dont les terres pourraient être transformées en réserves à l’avenir. Bien que cette solution alternative ait été proposée par le juge Alexandre de Moraes pour les non-indigènes ayant acquis légalement et de bonne foi ces terres ancestrales des Autochtones, elle est rejetée par les leaders autochtones. Ces derniers craignent que l’établissement d’une jurisprudence sur les indemnisations ne freine l’homologation de nouvelles réserves en raison du coût élevé pour l’État. De plus, le juge a également suggéré des compensations pour les Autochtones à qui il serait impossible de concéder les terres qu’ils revendiquent légitimement.

Le Brésil compte actuellement près de 1,7 million d’indigènes, soit 0,83 % de la population, vivant à la fois dans des réserves et en dehors, selon les chiffres du dernier recensement.