Ecoles incendiées en Belgique : la controverse autour du programme d'éducation sexuelle qui alimente les fausses informations et les théories du complot
4 minutesEcoles incendiées en Belgique : la controverse autour du programme d’éducation sexuelle
La rentrée scolaire belge est marquée par une vive polémique concernant le programme d’« éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle » (Evras). Des parents mal informés s’inquiètent de l’hypersexualisation supposée de leurs enfants.
Des fausses informations et des théories du complot
Dimanche 17 septembre, environ 1 500 personnes ont manifesté à Bruxelles contre le programme d’Evras, porté par la ministre francophone de l’éducation. Certaines communautés catholiques et musulmanes y voient un projet de sexualisation des enfants, voire de pédophilie institutionnelle. Des fausses informations ont été largement diffusées, notamment par le biais des réseaux sociaux, alimentant les théories du complot.
Un programme mal compris et des réactions exagérées
Certains témoignages relayés sur TikTok ont suscité la colère et l’inquiétude, mais ils comportent de nombreuses incohérences et approximations. Il est important de souligner que le programme d’Evras vise avant tout à promouvoir le respect d’autrui, l’égalité, et à prévenir la violence dans les relations amoureuses. Il n’est nulle part question de gestes sexuels, mais simplement de dialogues et d’échanges. Plusieurs pétitions ont été lancées, mais elles témoignent d’une certaine confusion puisqu’elles appellent à la réaction du ministre de l’éducation français, Gabriel Attal, alors que le programme Evras concerne uniquement la Belgique.
Des pétitions alarmantes circulent sur les cours d’éducation sexuelle dans les écoles belges
Une seconde pétition apparaît vers le 13 septembre sur le site Les Lignes Bougent. Elle affirme que les cours d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) vont enseigner aux enfants dès l’âge de 5 ans la masturbation, la pornographie, et les soumettre à des intervenants extérieurs. Le rappeur Roff, avec ses 800 000 abonnés, partage cette pétition sur les réseaux sociaux, appelant ses fans à la signer pour protéger les enfants. En quelques jours, elle réunit 25 000 signataires, principalement des mères.
Une désinformation sur les âges et les thèmes abordés
Cependant, selon le site belge RTL, le rappeur Roff est mal informé. En réalité, les cours d’EVRAS ne visent pas les enfants de 5 et 9 ans, mais les élèves de 12 et 15 ans. Le guide Evras n’aborde la question de la masturbation qu’avec les 12-14 ans, et non dès l’âge de 5 ans. La ministre belge de l’Éducation, Caroline Désir, s’indigne de cette désinformation et déclare qu’il est inadmissible de faire peur aux parents sur ce sujet. De plus, la pornographie est discutée avec les enfants de 9-11 ans afin d’évaluer son influence positive et négative et de développer leur sens critique. Les animations sont basées sur les questions spontanées des élèves, et non sur l’imposition de thèmes.
La désinformation alimentée par des réseaux militants et conspirationnistes
La thématique des cours d’éducation sexuelle est instrumentalisée par différents réseaux militants. Certains s’opposent politiquement ou religieusement à l’EVRAS, ne voulant pas que des sujets progressistes tels que l’orientation sexuelle ou l’identité de genre soient abordés à l’école. D’autres véhiculent une vision complotiste du guide d’éducation sexuelle, l’accusant de servir des intérêts pédophiles. Une enquête a révélé un réseau de vingt-cinq personnes impliquées dans la désinformation sur l’EVRAS, faisant partie de différentes familles : théories pédocriminelles, défense de l’enfance, covidoscepticisme, médias complotistes et groupuscules religieux ultraconservateurs. Certains de ces groupes ont participé à une manifestation anti-EVRAS à Bruxelles en septembre, dénonçant de manière fantasmatique un prétendu “nouvel ordre mondial sexuel” promu par l’OMS.
Ces fausses informations sur les cours d’éducation sexuelle sont fréquentes, bien que rarement aussi répandues. En 2018, une publication alarmiste en France affirmait qu’une circulaire du ministère de l’Éducation nationale prévoyait d’aborder les questions sexuelles avec des enfants de 5 ans. Il s’agissait en réalité d’un rapport suisse sur la sexualité infantile. De même, la loi Schiappa de 2018, qui introduit la présomption de non-consentement pour les relations sexuelles avec des mineurs de moins de 15 ans, a été accusée à tort de “légaliser la pédophilie”. Des sites d’extrême droite ont également diffusé une désinformation sur une circulaire scolaire élargissant les cours d’éducation sexuelle à la notion de consentement, l’appelant “sexiscolaire” et affirmant qu’elle servait les intérêts des pédophiles.