La fragilité d'Ennahda : Les dirigeants emprisonnés mettent en péril l'avenir politique du parti en Tunisie
4 minutesEnnahda : Fragilisé par l’arrestation de ses dirigeants
Le parti islamo-conservateur tunisien Ennahda traverse une période difficile avec l’arrestation de ses deux plus hauts dirigeants, Mondher Ounissi et Abdelkrim Harouni. Les deux dirigeants ont été placés en garde à vue, tandis qu’un ancien cadre du parti, Hamadi Jebali, a été interrogé avant d’être libéré. Cette situation vient s’ajouter aux dissensions internes et aux démissions collectives que le parti a déjà subies depuis le coup de force du président Kaïs Saïed en juillet 2021.
Une stratégie de répression ciblée
Selon Hamza Meddeb, chercheur au cercle de réflexion Carnegie Middle East Center, la répression actuelle contre Ennahda vise principalement sa direction plutôt que sa base. L’objectif serait de domestiquer le parti en le privant de son enracinement populaire et de sa dimension contestataire, plutôt que de l’éradiquer complètement. Cette stratégie est facilitée par la crise au sein du parti.
Une période difficile pour Ennahda
Ennahda, qui a exercé le pouvoir au sein de plusieurs alliances gouvernementales pendant dix ans, a perdu une grande partie de son électorat. Son leader historique, Rached Ghannouchi, a été arrêté en avril, rejoignant ainsi une longue liste d’opposants et de cadres du parti emprisonnés. Suite à son arrestation, les bureaux du parti ont été fermés et ses rassemblements interdits. Depuis lors, Ennahda peine à se remettre sur pied.
Mondher Ounissi, nommé président par intérim, tente de renouveler l’encadrement du parti en organisant un congrès en octobre et en appelant au dialogue avec Kaïs Saïed. Cependant, ses initiatives sont contestées en interne. La fragilité d’Ennahda, exacerbée par l’arrestation de ses dirigeants, met en péril son avenir politique en Tunisie.
L’espoir d’un rapprochement politique en Tunisie
Depuis la suspension des activités du Parlement par le président Kaïs Saïed le 25 juillet 2021, la situation politique en Tunisie est tendue. De nombreux opposants ont été arrêtés et des dizaines d’autres sont toujours poursuivis en justice ou contraints à l’exil. Dans ce contexte délétère, la question d’un rapprochement avec les islamistes, notamment Mondher Ounissi, se pose.
Un possible rapprochement avec les islamistes ?
Mondher Ounissi, bien que peu connu et n’étant pas un dirigeant historique, pourrait-il envisager un rapprochement avec le pouvoir en place dans la perspective des élections présidentielles d’octobre 2024 ? Cette question reste ouverte. Si un tel scénario serait nouveau en Tunisie, il n’est pas rare dans le monde arabe. En Algérie ou en Jordanie, par exemple, les islamistes ont réussi à maintenir une certaine distance sans remettre en cause le pouvoir en place.
Les défis pour Ounissi dans ce climat politique tendu
Cependant, il n’est pas certain que Kaïs Saïed soit favorable à un tel rapprochement. Depuis un mois, le président tunisien répète son intention de « purifier l’administration » en éliminant ceux qui auraient infiltré le pouvoir depuis l’arrivée des islamistes. Des personnalités politiques telles que l’ancien ministre Abdelkrim Harouni et l’ex-Premier ministre Hamadi Jebali ont été interrogées sur des nominations au sein de l’administration lors de leurs mandats respectifs. Dans ce contexte, Mondher Ounissi a été placé en garde à vue et fait l’objet d’une instruction pour une fuite présumée d’un enregistrement vocal dans lequel il mettrait en cause des proches de Rached Ghannouchi. Les charges retenues contre lui restent inconnues, ce qui complique davantage sa position par rapport au pouvoir en place.
Dans ce climat de division et de répression, la perspective de l’organisation d’un congrès semble être remise en cause. En effet, de nombreux opposants sont en prison ou à l’étranger, ce qui rendrait une telle initiative peu sérieuse selon les propos de Hamza Meddeb, chercheur sur la question.
En somme, la possibilité d’un rapprochement entre Mondher Ounissi et le pouvoir en place en Tunisie reste incertaine. Dans un contexte politique tendu, marqué par des arrestations d’opposants et des poursuites judiciaires, il semble difficile d’envisager un scénario de réconciliation et de stabilité pour le moment.