Répression sanglante à Goma : Militaires devant la justice, une enquête pour crime contre l'humanité
4 minutesDes militaires devant la justice après la répression sanglante d’une manifestation à Goma
Le procès des militaires congolais impliqués dans la répression meurtrière d’une manifestation à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), a débuté le mardi 5 septembre.
Les accusés et les victimes
Les six militaires congolais accusés comprennent deux officiers de la garde républicaine, le colonel Mike Mikombe et le lieutenant-colonel Donatien Bawili, ainsi que quatre soldats de 2e classe. Leur arrestation avait été annoncée par le gouvernement la veille du procès.
Au moins 48 personnes ont été tuées lors de la fusillade qui a eu lieu fin août. Les victimes étaient toutes membres de la secte Foi naturelle judaïque et messianique vers les nations, qui avait appelé à manifester contre la présence des forces de l’ONU et de l’Afrique de l’Est dans la région.
Les accusations et les enquêtes
Les vidéos de soldats en uniformes d’une unité d’élite jetant des corps sans vie à l’arrière d’un véhicule militaire ont largement circulé sur les réseaux sociaux, attirant l’attention sur la violence de la répression. Les accusés sont jugés en comparution immédiate pour des accusations de « crime contre l’humanité » et de « violation des consignes ».
Le gouvernement avait initialement communiqué un bilan de 43 morts et 56 blessés, auxquels s’ajoute un policier tué. Cependant, un document interne de l’armée mentionnait un bilan de 48 morts et 75 blessés. Le représentant du ministère public a également évoqué un bilan de 56 personnes tuées, plus lourd que précédemment annoncé.
Une délégation ministérielle a été envoyée de Kinshasa à Goma pour enquêter sur les événements et déterminer les responsabilités. Le gouverneur du Nord-Kivu a été rappelé à Kinshasa pour des consultations.
En outre, 143 civils ont été déférés devant le tribunal militaire de Goma, accusés d’avoir été les instigateurs des violences qui ont plongé la ville dans le deuil. Ils ont été présentés lors d’une audience en flagrance qui s’est tenue le vendredi 1er septembre.
Des mesures prises face aux événements tragiques en République démocratique du Congo
Lundi soir, Peter Kazadi a annoncé la libération des militants des mouvements citoyens appréhendés lors de manifestations récentes en République démocratique du Congo. De plus, le gouvernement prendra en charge les frais des obsèques de toutes les personnes décédées le 30 août. Ces actions montrent une inflexion de la part du gouvernement.
Des réactions variées face aux mesures prises
Les mesures prises par la délégation gouvernementale ont été saluées par l’ONG Human Rights Watch. Cependant, l’organisation estime qu’il est nécessaire qu’une enquête complète et impartiale soit menée, et que les hauts responsables fassent l’objet d’enquêtes, afin d’établir une véritable justice. Thomas Fessy, responsable de recherche de l’organisation sur la République démocratique du Congo, exprime cette nécessité.
D’un autre côté, Moïse Katumbi, président d’Ensemble pour la République et candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2023, a condamné ces événements qualifiés de “crime contre l’humanité” sur le réseau social X (ex-Twitter). Il déclare également que l’incapacité du gouvernement à mettre fin à l’insécurité est son plus grand échec.
Les demandes de réforme et d’enquête se multiplient
Martin Fayulu, autre grande figure de l’opposition, estime que l’horreur de ce carnage doit immédiatement conduire à la levée de l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri. Ce dispositif d’exception, placé sous le contrôle des militaires, avait été instauré dans l’est du pays en mai 2021 par le président Félix Tshisekedi dans le but de lutter contre les groupes armés et de rétablir la sécurité.
Juvénal Munubo, député de l’Union pour la nation congolaise et originaire de la région de Goma, estime qu’il est nécessaire de réformer le secteur de la police et de l’armée de la République démocratique du Congo selon les normes internationales. Selon lui, la répression violente du 30 août donne l’impression que l’armée fait face à un groupe armé. Des zones d’ombre subsistent, notamment les raisons de la sévère répression à l’encontre de manifestants non armés.
Les Nations unies ont réclamé une enquête indépendante à la suite de cette manifestation réprimée dans le sang contre la Monusco. Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, estime que les responsables des violations devront répondre de leurs actes.