Photo non contractuelle
Lutte contre le paludisme : une bactérie révolutionnaire découverte dans l'intestin des moustiques
Articles similaires

Lutte contre le paludisme : une bactérie révolutionnaire découverte dans l'intestin des moustiques

 4 minutes

Paludisme : une bactérie découverte dans l’intestin des moustiques pourrait doper la lutte contre la maladie

Une nouvelle avancée dans la lutte contre le paludisme a été découverte par une équipe de recherche internationale. Cette équipe a étudié le comportement d’une bactérie appelée “Delftia tsuruhatensis TC1”, qui produit une toxine capable d’inhiber le développement du parasite responsable du paludisme. Cette maladie a causé la mort de 619 000 personnes en 2021.

La découverte d’une bactérie prometteuse

La bactérie “Delftia tsuruhatensis TC1” a été découverte par une équipe de chercheurs provenant d’Espagne, d’Angleterre, du Burkina Faso et des États-Unis. Ces chercheurs, issus de l’Ecole de santé publique Johns-Hopkins-Bloomberg à Baltimore et du laboratoire britannique GSK, ont remarqué que cette bactérie pouvait empêcher le développement précoce du parasite Plasmodium falciparum, responsable du paludisme, dans l’intestin des moustiques.

Les résultats de cette recherche ont été publiés dans la revue Science le 3 août. Les chercheurs ont constaté une diminution significative de l’infection par le parasite chez la colonie de moustiques de leur insectarium. Certains moustiques avaient une charge parasitaire jusqu’à 75% inférieure. Après des analyses, les chercheurs ont découvert que la bactérie “Delftia tsuruhatensis TC1” était présente dans tous les échantillons examinés et qu’elle jouait un rôle clé dans cette réduction de l’infection.

Une toxine prometteuse dans la lutte contre le paludisme

Les chercheurs ont également constaté que la bactérie produisait une petite molécule toxique appelée harmane. Cette toxine agit comme une sentinelle en inhibant le développement du parasite dans le tube digestif du moustique. De plus, ils ont découvert que l’harmane pouvait traverser la cuticule, c’est-à-dire la “peau” et le squelette de l’insecte. Cette caractéristique pourrait permettre de développer un produit de contact, tel qu’une pulvérisation sur les moustiquaires.

Bien que les chercheurs n’aient pas encore identifié précisément comment l’harmane stoppe la croissance de Plasmodium falciparum, cette découverte offre de nouvelles perspectives dans la lutte contre le paludisme. Pierre Buffet, directeur de l’Institut Pasteur, estime que cette découverte est majeure et pourrait changer la donne dans la lutte contre la maladie. Il met en avant le potentiel de la lutte biologique, qui suscite de réels espoirs alors que la lutte contre le paludisme stagne.

Bien qu’il reste encore beaucoup à faire avant de pouvoir commercialiser un produit à base d’harmane ou d’utiliser la bactérie à grande échelle, les essais réalisés au Burkina Faso sont prometteurs. Et la reproduction des conditions climatiques de prolifération de l’anophèle au Centre Muraz de l’Institut de recherche en sciences de la santé de Bobo-Dioulasso a montré des résultats encourageants. Les populations de moustiques étudiées ont été nourries avec de l’eau, du sucre et de la Delftia tsuruhatensia TC1, fournissant ainsi les nutriments nécessaires à leur développement.

Une bactérie envahit les moustiques en une nuit seulement

Une récente expérience a montré que la bactérie D tsuruhatensis TC1 pouvait coloniser les trois quarts des moustiques en une seule nuit. Cette bactérie est porteuse du parasite du paludisme des rongeurs (P. berghei) et produit une toxine inhibant le développement du parasite.

Une efficacité prometteuse pour lutter contre le paludisme

L’expérience a également démontré que la toxine était efficace non seulement contre le parasite du paludisme des rongeurs, mais aussi contre celui affectant les humains (P. falciparum). Cette découverte laisse entrevoir une efficacité potentielle contre les autres Plasmodium dangereux pour l’homme. Cependant, des recherches supplémentaires doivent être menées pour évaluer les éventuelles conséquences de cette bactérie et de sa toxine sur d’autres organismes, notamment les insectes pollinisateurs.

Vers une utilisation plus large, mais des interrogations persistent

Avant une éventuelle utilisation à grande échelle, des tests supplémentaires doivent être réalisés pour s’assurer de l’innocuité de ce produit. Bien que la bactérie D tsuruhatensis TC1 soit rarement pathogène pour l’homme, une expérimentation est en cours au Burkina Faso pour évaluer le produit à base d’harmane, une neurotoxine présente naturellement dans de nombreuses plantes. Des études préliminaires concluantes ont déjà été menées, mais des recherches plus approfondies sont en cours dans un environnement semi-ouvert.

Une autre piste de recherche envisage la modification génétique de la bactérie afin de la rendre transmissible par les femelles moustiques à leur descendance. Cela permettrait d’éliminer la nécessité de réapprovisionner constamment les moustiques en bactéries. Toutefois, une telle modification soulève des questions environnementales et éthiques, qui devront être abordées avant de pouvoir envisager une utilisation plus large pour lutter contre le paludisme.