L'opposant égyptien Ahmed Douma libéré après une grâce présidentielle : Un signal politique fort avant l'élection présidentielle
5 minutesL’opposant égyptien Ahmed Douma libéré après une grâce présidentielle
Ahmed Douma, figure de l’opposition en Égypte, a été libéré de prison le samedi 19 août suite à une grâce présidentielle accordée par Abdel Fattah Al-Sissi. Cette décision intervient à moins d’un an de l’élection présidentielle, un scrutin crucial pour le pays. Ahmed Douma, co-fondateur du Mouvement du 6 avril qui a joué un rôle-important dans la révolution égyptienne de 2011, purgeait une peine de quinze ans de prison depuis 2013 pour sa participation à des violences lors de manifestations.
Une grâce présidentielle accordée
L’avocat Tarek El-Awady, membre du comité des grâces présidentielles, a annoncé qu’Ahmed Douma avait bénéficié d’une grâce présidentielle. L’avocat des droits humains Khaled Ali a quant à lui déclaré qu’il attendait la sortie d’Ahmed Douma, en filmant devant la prison où il était détenu. Après sa libération, plusieurs avocats et militants des droits humains ont partagé des photos d’Ahmed Douma entouré de ses camarades à l’extérieur de la prison de Badr, à l’est du Caire.
Un militant engagé dans l’isolement
Agé de 37 ans, Ahmed Douma avait publié un recueil de poèmes intitulé “Curly” depuis la prison où il était en isolement. Le livre, publié par une maison d’édition égyptienne, avait été exposé à la Foire internationale du livre du Caire en 2021 avant d’être retiré rapidement pour des raisons de sécurité. Malgré son isolement, Ahmed Douma a réussi à transmettre discrètement des morceaux de papier contenant ses poèmes à ses avocats.
Une grâce accordée dans un contexte de “dialogue national”
La grâce accordée à Ahmed Douma intervient alors que Le Caire mène un “dialogue national” visant à permettre à tous de discuter des sujets sensibles dans le pays. Avec une population de 105 millions d’habitants et une crise économique en cours, l’opposition a été muselée au cours de la dernière décennie. Abdel Fattah Al-Sissi a déclaré avoir reçu les premières recommandations de ce dialogue et les avoir transmises aux autorités compétentes pour une mise en application conforme à la législation et à la constitution.
Des grâces présidentielles de plus en plus fréquentes
Bien que le scrutin présidentiel de 2024 n’ait pas encore été évoqué, les observateurs estiment unanimement que le chef de l’État, Abdel Fattah Al-Sissi, se présentera pour un nouveau mandat. Dans ce contexte social et politique, les grâces présidentielles, qui étaient peu utilisées ces dernières années, se sont multipliées depuis 2022. En juillet, le chercheur Patrick Zaki et l’avocat Mohamed Al-Baqer avaient également bénéficié d’une grâce présidentielle après avoir été condamnés pour fausses informations et arrêtés pour des raisons politiques. Avec la libération d’Ahmed Douma, Alaa Abdel Fattah, l’icône de la révolution, est désormais la dernière figure emblématique encore détenue.
Répression politique en Egypte : les autorités continuent de cibler les opposants
Depuis 2014, l’Egypte est le théâtre d’une répression implacable de la part des autorités envers les universitaires, les journalistes, les artistes, les avocats, les syndicalistes et les militants politiques. Cette situation déplorable a valu au pays de se classer au 135e rang sur 140 selon l’indice de l’Etat de droit établi par le World Justice Project.
Des pressions internes et externes
Hossam Bahgat, fondateur de l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), pointe du doigt les pressions exercées par le régime. Selon lui, le gouvernement est conscient de l’insatisfaction grandissante engendrée par les promesses non tenues et la stagnation de la situation actuelle. Cette situation préoccupante a donné lieu à des appels, notamment à Washington, pour la suspension de l’aide militaire en réponse aux violations des droits humains.
Une colère sociale qui ne cesse de croître
En Egypte, la colère sociale est en constante effervescence alors que les dévaluations et l’inflation écrasent les foyers. Cette grogne touche désormais jusqu’aux institutions du pays. Selon M. Bahgat, certains grands partis d’opposition menacent même de quitter le dialogue national puisqu’il ne produit aucun impact sur la scène politique.
Des libérations sélectives et un manque de transparence
Si la grâce accordée à M. Douma est une bonne nouvelle, car il fait partie des militants les plus persécutés du régime, cela ne veut pas dire que le problème est résolu. En effet, le régime égyptien utilise des choix sélectifs sans transparence ni explication quant à la libération de certains individus et l’ignorance pour d’autres. Cette politique de libération concerne principalement des libéraux, alors que la majorité des détenus politiques en Egypte sont accusés d’avoir des liens avec les islamistes, dont les Frères musulmans de Mohamed Morsi, l’ancien président renversé par M. Al-Sissi. Les autorités insistent sur le fait que près d’un millier de prisonniers ont été libérés durant l’année dernière grâce à l’action du comité des grâces présidentielles.
Une répression qui persiste
Cependant, des ONG mettent en perspective ces chiffres en soulignant que près de trois fois plus de personnes ont été arrêtées durant la même période. Les défenseurs des droits humains dénoncent un climat de répression où l’accusation de “fausses informations” ou de “terrorisme” peut être utilisée pour réprimer les opposants et les internautes qui critiquent la situation politique ou économique. Les autorités égyptiennes refusent de divulguer le nombre exact de personnes incarcérées, tout en inaugurant régulièrement de nouvelles prisons. De plus, depuis janvier, vingt-quatre décès ont été recensés en détention, dont six dans des “centres de réhabilitation”, des structures censées remplacer les prisons vétustes du pays. Malheureusement, l’Egypte est l’un des pays qui recourt le plus à la peine de mort. Washington a souligné que le pays viole les droits humains dans tous les domaines, que ce soit en prison, en matière de liberté d’expression ou des droits des LGBT+.